
Comment décarboner le systÚme énergétique pour le rendre durable ?
Dans le cadre de la transition Ă©cologique et Ă©nergĂ©tique, rendre le systĂšme Ă©nergĂ©tique plus durable est un enjeu majeur. Cette transition implique une dĂ©carbonation profonde de nos Ă©conomies, câest Ă dire sans Ă©nergie fossile, afin dâassurer la sauvegarde de lâenvironnement et Ă©galement la sĂ©curitĂ© et lâĂ©quitĂ© Ă©nergĂ©tique. Comment, dans ces conditions, concilier ces contraintes avec des objectifs climatiques ambitieux ? Pour rĂ©pondre Ă ces questions, cette lettre examine les aspects suivants :
- 1 Bien commun : Quelles énergies composeront demain notre mix énergétique ?
- 2 Gestion publique : Quelle gouvernance pour construire un systÚme énergétique bas carbone ?
- 3 Au quotidien : Comment les citoyens contribuent et participent à la réalisation du systÚme ?
- 4 Dans les territoires : Comment les acteurs sâadaptent Ă un systĂšme dĂ©carbonĂ© ?

Lâurgence climatique appelle une transition rapide vers un systĂšme Ă©nergĂ©tique plus vertueux permettant lâadaptation Ă des tempĂ©ratures extrĂȘmes ou mieux Ă leur attĂ©nuation (cf graphique ci-contre) aux tempĂ©ratures normales. Elle exige une mobilisation de tous les acteurs et une implication de tous les systĂšmes existants sachant quâils Ă©voluent chacun Ă des rythmes diffĂ©rents et quâau terme de la transition seules les Ă©nergies renouvelables devraient constituer notre mix Ă©nergĂ©tique. Ce nâest quâĂ cette condition que la course contre la montre qui est engagĂ©e pour limiter le rĂ©chauffement climatique Ă 2 degrĂ©s a des chances dâĂȘtre gagnĂ©e.
Bonne lecture !
Quelles énergies (*) composerons demain notre mix énergétique (***) ?


La consommation dâĂ©nergie (figure 1) dans le monde a augmentĂ© de façon considĂ©rable depuis le dĂ©but de lâĂšre industrielle. Lâaccroisement du PIB, qui mesure lâactivitĂ© Ă©conomique, est directement corrĂ©lĂ© Ă la consommation des Ă©nergies et notamment fossiles (charbon et pĂ©trole) (figure 2). Le dĂ©veloppement sans fin de la croissance est un modĂšle Ă©nergivore qui produit notamment de fortes Ă©missions de CO2 ( cf Ă©volution des Ă©missions de coÂČ dans le monde) sources de rĂ©chauffement climatique et dâĂ©rosion de la biodiversitĂ©.
Les énergies fossiles existent en quantités limitées et ne sont pas renouvelables ce qui exige une transition vers un modÚle énergétique composé de ressources décarbonées. Il implique à long terme et progressivement des changements de nos modes de production et de consommation pour tendre vers un systÚme énergétique plus durable, viable économiquement et socialement acceptable.
Plusieurs scĂ©narios (**) simulent le fonctionnement du systĂšme Ă©nergĂ©tique futur pour atteindre la neutralitĂ© carbone en 2050. Ils mettent tous en Ă©vidence dâune part la nĂ©cessitĂ© de transformer lâĂ©conomie et les modes de vie, et dâautre part de restructurer le systĂšme existant pour permettre Ă lâĂ©lectricitĂ© de remplacer les Ă©nergies fossiles (mobilitĂ© Ă©lectriqueâŠ) comme principale Ă©nergie du pays. Il y a consensus sur la nĂ©cessitĂ© de diminuer la consommation finale (sobriĂ©tĂ©, efficacitĂ©…) , dâaugmenter la part dâĂ©lectricitĂ© et des Ă©nergies renouvelables. Les divergences concernent essentiellement la proportion qui doit ĂȘtre accordĂ©e au nuclĂ©aire et aux Ă©nergies renouvelables sachant que la tendance mondiale des investisseurs est en faveur du renouvelable (cf Investissement annuel dans le nuclĂ©aire et les renouvelables ).
đ(*) Rappels de physique : LâĂ©nergie disponible sur la planĂšte est en quantitĂ© limitĂ©e et constante. A lâĂ©chelle de consommation humaine lâĂ©nergie renouvelable apparaĂźt comme illimitĂ©e. LâĂ©nergie ne se crĂ©e pas elle se transforme. Ainsi lâĂ©nergie primaire (la ressource disponible = Le vent, le soleil, lâeau, la biomasse, la gĂ©othermie, le pĂ©trole, le charbon, le gaz ou lâuraniumâŠ) se transforme en Ă©nergie secondaire utilisable (Ă©lectrique, chaleur, cinĂ©tique, âŠ) par divers procĂ©dĂ©s (panneaux photovoltaĂŻques, rĂ©acteurs nuclĂ©aires, barrages, Ă©oliennes, âŠ).
đ(**) 4 scĂ©narios neutralitĂ© carbone en 2050:
- -NEGAWATT : (association loi 1901 à but non lucratif qui prÎne notamment la sobriété
- -ADEME(Agence de la Transition Ecologique -Ătablissement public )
- -RTE :(RĂ©seau de transport d’Ă©lectricitĂ© – gestionnaire du rĂ©seau français )
- –AIE : (Agence Internationale de lâEnergie)
đ(***) Mix Ă©nergĂ©tique de la France
đwebographie :
- le pĂ©trole n’est pas renouvelable !
- «On peut parler indiffĂ©remment dâĂ©nergie renouvelable ou dĂ©carbonĂ©e»
- Ă©CO2mix – Toutes les donnĂ©es de l’Ă©lectricitĂ© en temps rĂ©el
- Ănergies renouvelables : les chiffres estivaux de l’Ă©olien et du biomĂ©thane sont au beau fixe
Quelle gouvernance pour construire un systÚme énergétique bas carbone ?
Indissociable du climat (cf Panorama des financements climat 2022) la gestion de lâĂ©nergie est structurĂ©e autour de six niveaux de directives : monde, continent, nation, rĂ©gion, ville et citoyen.
Au niveau mondial les NATIONS UNIES regroupent 200 membres. Elles ont fixĂ© dĂšs 2015 Ă lâhorizon 2030, 17 objectifs du dĂ©veloppement durable (17 ODD) dont deux (odd7 et odd13) concernant directement lâĂ©nergie et le climat. Lors de lâACCORD de PARIS (cop 21) elles ont dĂ©fini un objectif commun pour maintenir le niveau de tempĂ©rature en dessous de 2° en sâengageant dans une CONTRIBUTION DETERMINEE NATIONALE (CDN) dans le cadre de la convention sur le climat la CCNUCC (convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques) .
Au niveau europĂ©en, lâUE, lors de lâĂ©laboration du «Paquet Climat ENERGIE» en 2014, sâest donnĂ©e pour objectif de rĂ©duire de 40 % les gaz Ă effets de serre (GES) Ă lâhorizon 2040. Cet objectif a Ă©tĂ© repris dans les accords de Paris dĂ©terminant ainsi lâengagement de la FRANCE. Dans le cadre des 17 ODD, lâUE sâengage aussi Ă rĂ©duire de 50 % ses GES dâici 2050 et dâatteindre la neutralitĂ© carbone en 2100.
Au niveau national la France traduit ses engagements dans sa stratĂ©gie climat incluant un agenda pour 2030. Ils sont dĂ©clinĂ©s dans la LOI SUR LA TRANSITION ENERGETIQUE POUR UNE CROISSANCE VERTE (LTECV) et en 2017 le PLAN CLIMAT AIR ENERGIE TERRITORIAL (PCAET). Ils sont concrĂ©tisĂ©s dans des documents de planification spĂ©cifique Ă chaque domaine : Programmation pluriannuelle de lâĂ©nergie (PPE), stratĂ©gie nationale bas carbone (SNBC) et plan national de rĂ©duction des Ă©missions de polluants atmosphĂ©riques (PREPA). En France lâĂ©tat est Ă la fois planificateur financeur et stratĂšge. Il a le premier rĂŽle notamment dans lâinvestissement des grandes infrastructures (transports, logement, accĂšs Ă une Ă©nergie durable, âŠ.) pour rĂ©aliser la transition sachant que lâindĂ©pendance et la souverainetĂ© Ă©nergĂ©tique de La France est aussi de son ressort (cf audition AssemblĂ©e nationale ).
Les plans nationaux sont dĂ©clinĂ©s au niveau rĂ©gional et local en fonction des compĂ©tences dĂ©finies par la loi NOTRE (Nouvelle Organisation Territoriale de la RĂ©publique) de 2015. Elle oblige les rĂ©gions Ă Ă©laborer pour 5 ans un schĂ©ma rĂ©gional dâamĂ©nagement de dĂ©veloppement durable et dâĂ©galitĂ© des territoires (SRADDET) incluant climat-air-Ă©nergie. Les collectivitĂ©s territoriales coordonnent -habitat-emploi-transport- en appliquant les directives de lâĂ©tat. LâĂ©lectricitĂ©, consĂ©quence logique dâune structure rĂ©seau centralisĂ©e, reste gĂ©rĂ©e au niveau national en intĂ©grant les schĂ©mas rĂ©gionaux de raccordement au rĂ©seau des Ă©nergies renouvelables (S3RENR). La loi sur la transition Ă©nergĂ©tique attribue les compĂ©tences de coordination des Ă©tudes, de diffusion de lâinformation et de promotion des actions Ă lâĂ©chelon rĂ©gional.
Les villes en particulier qui concentrent les populations, les activitĂ©s et les richesses Ă©mettent 70 % de COÂČ, consomment prĂšs de 70 % de lâĂ©nergie mondiale. En France les intercommunalitĂ©s de plus de 20 000 habitants ont pour obligation dâĂ©tablir un plan climat air Ă©nergie territorial (PCAET). En outre au titre de lâurbanisme elles doivent Ă©tablir un schĂ©ma de cohĂ©rence territoriale (SCOT) un projet dâamĂ©nagement et de dĂ©veloppement durable (PADD) associĂ© Ă un plan local dâurbanisme (PLU). Dâautres plans existent au niveau communal concernant lâhabitat (PLH) le dĂ©veloppement urbain (PDU) et la protection de lâatmosphĂšre (PPA).
La SNBC Ă lâhorizon 2050 et la PPE jusquâen 2030, constituent les deux piliers de la stratĂ©gie de la France.
La loi Energie Climat du 8 novembre 2019 en synthétise les orientations toutes filiÚres confondues. Le tableau 4 ci-dessous résume les objectifs fixés.

En dĂ©finitive la gestion publique de la transition Ă©nergĂ©tique et Ă©cologique est complexe. Elle implique plusieurs strates administratives et concerne de nombreux domaines. Mais, en dernier ressort, les citoyens sont au quotidien les acteurs de lâapplication des directives proposĂ©es. Aussi une gouvernance qui nâassocierait pas Ă©troitement Ă lâĂ©laboration des politiques Ă©nergĂ©tiques est vouĂ©e Ă lâĂ©chec.
đ webographie
- Le Green Deal européen 3 ans aprÚs : accélération, érosion, fragmentation
- «Inflation Reduction Act» : un pas important pour les Ătats-Unis en matiĂšre climatique
Comment les citoyens contribuent et participent à la réalisation du systÚme ?
La transition Ă©nergĂ©tique concerne directement la sociĂ©tĂ© civile : facture dâessence, transports en commun, emploi, prix des ressources Ă©nergĂ©tiques, confort de vie, pouvoir dâachat âŠElle a une incidence significative sur lâĂ©conomie des mĂ©nages. Tout nouveau systĂšme modifie le rapport Ă lâĂ©nergie de chaque citoyen aussi la participation de tous est nĂ©cessaire pour dĂ©gager un consensus autour des investissements Ă privilĂ©gier pour quâils soient socialement acceptĂ©s. Au niveau local le rĂŽle des citoyens en tant quâacteurs dâun systĂšme Ă©nergĂ©tique bas carbone est donc dĂ©terminant en particulier dans les domaines prioritaires suivants :
–La sobriĂ©tĂ© et lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique grĂące Ă lâexploitation des gisements dâĂ©conomies dâĂ©nergie et Ă lâadaptation de nos modes de vie au quotidien notamment pour les aspects de la mobilitĂ© Ă©lectrique.
–Le dĂ©ploiement des compteurs communicants et des objets connectĂ©s dans lâhabitat (smart grids) qui va permettre aux citoyens de maitriser la consommation et aux fournisseurs dâajuster leurs offres dâĂ©nergie.
–Lâautoconsommation donnant Ă chacun la possibilitĂ© de devenir consomâacteur et de participer Ă la dĂ©finition de nouvelles offres et de nouveaux services.
Les individus sont donc au cĆur du projet de transition. Sa rĂ©ussite dĂ©pend de leur contribution et de leur volontĂ© Ă y participer et Ă intĂ©grer les directives dĂ©finies dans la stratĂ©gie bas carbone dans leurs usages de lâĂ©nergie. Le remplacement des anciens compteurs Ă©lectriques « EDF » par des compteurs LINKY, les refus dâinstallation de parcs Ă©oliens, … mettent en Ă©vidence les difficultĂ©s pour faire Ă©voluer le systĂšme actuel. Aussi lâacceptation sociale des projets est un prĂ©alable incontournable Ă toute rĂ©alisation.
đWebographie:
- La sobriété, au-delà du progrÚs technique et des changements de comportement individuels
- Mon potentiel solaire
Comment les acteurs (collectivitĂ©s, entreprises, âŠ) sâadaptent Ă un systĂšme dĂ©carbonĂ© ?
La rĂ©alisation dâun systĂšme dĂ©carbonĂ© suppose de relever, notamment, les dĂ©fis suivants : Massification des Ă©nergies intermittentes tels que le solaire photovoltaĂŻque ou lâĂ©olien, IntĂ©gration
et gestion dans les rĂ©seaux aux cĂŽtĂ©s de productions dâautres Ă©nergies bas carbones (nuclĂ©aire et hydroĂ©lectricitĂ©) et des Ă©nergies traditionnelles ( gaz ou pĂ©trole ), DĂ©ploiement des rĂ©seaux «intelligents» comme les smarts grids et les compteurs communicants , DĂ©veloppement du stockage, MontĂ©e en puissance des vĂ©hicules Ă©lectriques, DĂ©veloppement de lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique . Etc âŠ..
Il sâagit donc de transformer le systĂšme Ă©nergĂ©tique actuel centralisĂ© univoque (production vers consommation) et basĂ© sur les

Ă©nergies fossiles, vers un systĂšme plus complexe, dĂ©centralisĂ© biunivoque (production et consommation dans les deux sens) et intĂ©grant toutes les fonctions : production tous moyens confondus (photovoltaĂŻque, Ă©olien, hydraulique, gĂ©othermique, nuclĂ©aire, âŠ) stockage (batterie, step, rĂ©servoir de chaleur, âŠ) transformation Ă©nergĂ©tique dâun mode dans un autre (hydrogĂšne => Ă©lectricitĂ©, âŠ) prĂ©vision et gestion des productions et des consommations, et usages (domestiques, industriels, agricoles, âŠ).
Au niveau des territoires il y a quasiment autant de transitions Ă rĂ©aliser Ă court terme Ă long terme voire Ă trĂšs long terme, quâil existe de filiĂšres (Ă©conomiques, techniques administrativesâŠ.) concernĂ©es par le systĂšme futur. Pour aboutir des mesures de coopĂ©ration sâimposent Ă tous les niveaux entre toutes les collectivitĂ©s publiques ou privĂ©es. Elles doivent sâinscrire dans la durĂ©e, plusieurs dĂ©cennies, ce qui impose une continuitĂ© de pilotage qui ne peut ĂȘtre assurĂ©e que par lâĂ©tat stratĂšge.
đWebographie :
ADD21 : site www.add21.fr â contact artisan@add21.fr â tĂ©lĂ©phone : 06 84 56 05 03